Son parcours est édifiant à plusieurs titres et pourtant rien ne laisserait présager que Olusegun Vidjannagni Charles, a été un enfant de la rue en Côte d’Ivoire. Après le décès brutal de ces parents à l’âge de 14 ans (années 2000), en rupture sociale, Olusegun se retrouve obligé de ne dépendre que de lui seul, sans assistance aucune pendant plusieurs années, il devient « enfant migrant » de la frontière de Sèmè-Kraké, entre le Bénin et le Nigéria, jusqu’à Yopougon à Abidjan Côte d’Ivoire, des gares, des chantiers, aux nuits sous les ponts.
Violences et détresses, solitude, pensées et tentatives suicidaires, l’adolescent aura son salut grâce à l’engagement d’une mère de famille, vendeuse de nourriture, croisée sur les chantiers de construction à Abidjan, qui décide de lui porter assistance pour le faire partir au Bénin afin qu’il reprenne l’école.
Aujourd’hui, Olusegun est sérigraphe, interprète-traducteur, ingénieur en conception et mise en oeuvre de projets de développement communautaire. Ancien bénéficiaire de l’International Visitors Leadership Programme (IVLP) du Département d’État Américain, il aurait pu vivre autrement, mais il choisit de devenir membre du groupe de recherche « Hidden Voices of Climate Change » sur le Net Zero dans le Football et l’impact des changements climatiques sur la santé mentale et le bien-être des enfants des communautés défavorisées à Montfort University Leicester en Angleterre. Il est à l’origine de FORAM Initiatives, qui s’occupe de la réintégration et de la santé mentale des jeunes en situation de rupture sociale (notamment les enfants dit « microbes »). Un des moyens utilisés pour les enfants, en amont de la réinsertion scolaire, le jeu d’échecs ! L’O.N.G. témoigne de centaines de réinsertions réussies dans différents pays du continent africain.
4 questions clés à Olusegun Charles.
UT FORTIS : Au stade où vous êtes, ayant aidé autant de jeunes et votre initiative comptant par ses actions concrètes dans l’univers de l’engagement social et sociétal, si vous deviez aujourd’hui vous retrouver devant vous-mêmes à l’âge de 14 ans, qu’est-ce que vous diriez à ce jeune homme qui voulait en finir ? Si vous pouviez voyager dans le temps, qu’est-ce que vous diriez à vous-même ?
OLUSEGUN VIDJANNAGNI CHARLES : Voici ce que je dirais à moi-même, dans ces moments de tumultes, après la mort de mes parents, où je voulais disparaître : la vie est ainsi faite. Charles, écoute cet adage : « je me plaignais de n’avoir pas de souliers, quand je vis un homme sans pieds ». Il y a quelqu’un, quelque part, sur cette planète, qui vit pire que toi alors lève-toi, bats-toi et tu réussiras.
UF : Comment avez-vous pu arrêter d’avoir envie de disparaître ? Y a-t-il eu un basculement ou bien cela a-t-il été progressif ?
O.V.C. : Cela a été progressif. Il y a eu le contact avec cette famille qui m’a aidé à reprendre le chemin de l’école. Un environnement qui s’est construit et qui m’a permis de faire des pas en avant pour déterminer qui je voulais être. Pendant ce processus, j’ai commencé à me revoir comme quelqu’un qui a de l’importance dans cette vie et qui a quelque chose à apporter. C’est à partir de ce moment que l’envie de me suicider, de disparaitre, a disparu et l’envie de devenir un modèle, de réussir avec la rage s’est installé. Les ténèbres se sont dissipées.
UF : Aujourd’hui, avez-vous eu des crises ou des envies de retour en arrière, ou plus jamais ? Parfois, quand « c’est chaud », est-ce que certaines pensées reviennent ?
O.V.C. : Quand « c’est chaud », certaines pensées reviennent, il faut le reconnaître. Ce moment qui a été surmonté, qui va se recroqueviller dans notre subconscient, fait partie de l’histoire de vie. Et quand une situation est extrêmement difficile, si certaines pensées ont tendance à ressurgir, et c’est rare, on sait comment les repousser.
UF : Pour votre O.N.G. Foram Initiatives, au stade d’aujourd’hui et dans l’absolu, qu’est ce que vous espérez ?
O.V.C. : Nous imposer comme cette organisation qui contribue à la réintégration sociale et à la réinsertion économique des enfants en situation de rupture sociale.
UF : Merci.
Focus sur le programme programme «Sport, Éducation & Art au service de la Santé Mentale, de l’Épanouissement et du Développement des Compétences de demain par les jeunes dans le Corridor Abidjan-Lagos» de FORAM Initiatives.
(Information prise auprès de l’O.N.G.)
Tournoi Chess Connect.
Après l’initiation, une compétition, le Tournoi Chess Connect, est réservée spécialement aux enfants en situation de rupture sociale. Elle les amène à représenter les couleurs de leur pays en affrontant les candidats d’autres pays du Corridor Abidjan-Lagos. L’impact mesurable et durable est que ces enfants qui se considéraient comme des « râtés » redoublent leur confiance et leur estime de soi. Considérés comme des Ambassadeurs de leur pays respectifs, ils changent l’image et les perceptions et se transforment en de véritables agents de changement tirant partie des opportunités de (re)intégration sociale et (re)insertion économique qui s’offrent à eux.
* Les déchets plastiques collectés lors des activités et par le biais des partenaires (comme le FEMUA) sont recyclés pour obtenir des tables-bancs de jeux d’échecs à installer dans les parcs, jardins publics, hôpitaux, écoles, universités…afin que davantage de personnes aient accès à ce jeu bénéfique pour la santé mentale.
La photo ci-dessus est celle de l’un des jeunes de la rue qui dormaient sous les ponts d’Oshodi à Lagos au Nigéria. Il a pris part au programme de notre partenaire Chess In Slums (Jeu d’Échecs dans les bidonvilles), a par la suite bénéficié d’une formation en web-designing, et voyage aujourd’hui à travers le monde car ses clients sont les diasporas nigériannes en Angleterre, Australie et aux Etats Unis.
Découvrir FORAM Inititatives
FORAM s’inscrit dans les recommandations du plan d’action 2013 de l’OMS pour la santé mentale, stratégie multisectorielle : l’O.N.G. d’Olosegun Charles associe éducation, sport communautaire (football amateur, freestyle football, jeu d’échecs) et art (musique, etc) tout en créant des opportunités d’emplois décents (emplois verts surtout le recyclage des déchets plastiques) pour un impact à plusieurs niveaux.
Photo accueil : Christina Goh, à l’origine de UT FORTIS et Olusegun Vidjannagni Charles près du stand PNSM au FEMUA 2024.
Pourquoi sensibiliser ?
– Parce que la crise suicidaire peut être surmontée mais il faut demander de l’aide car elle peut être trop intense. Avez-vous pensé au plan de sécurité (élaboré par des soignants et mis à disposition) ? Lien
– Parce qu’avoir connu un proche qui s’est suicidé est perturbant et peut nous fragiliser, surtout si on traverse une période délicate (familiale, professionnelle, économique, de santé). Avez-vous pensé à en parler ?
Lien pour le guide de gestion d’excès de stress en 8 langues de l’OMS / Lien ressources écoutes.
Dans certains pays, un numéro national d’écoute gratuite et anonyme est en place. Sinon, rapprochez-vous d’un centre de santé.