Spécial JIPS 2024 / Interview : Marie-Ange Macé ou le soin du lien

Marie-Ange Macé est  Chargée de Réseau au 3114-Numéro National de Prévention du Suicide au Centre-Val de Loire en France. Celle qui travailla dans le secteur privé avant d’occuper un poste dans le champ de la prévention du suicide, a contribué depuis des années et continue activement comme bénévole dans plusieurs structures, assurant les maraudes auprès des sans-abris, elle fut aussi écoutante bénévole des personnes vulnérables isolées Covid-19 de la Réserve Civique. Membre de la Coordination du Réseau VIES 37 pour la prévention du suicide, elle intervient comme correspondante territoriale à l’Union Nationale pour la Prévention du Suicide pour la région Centre-Val de Loire.

Focus sur un parcours inspirant qui permet un autre regard sur ceux qui œuvrent en toute discrétion pour le mieux-être.

Ut Fortis : Ton métier actuel et tes activités bénévoles sont tournés vers le soin de l’Autre. Pourquoi cet engagement ?

Marie-Ange Macé : C’est un peu l’ADN familial. Ma mère a toujours été très engagée et son éducation s’est construite dans le souci de l’autre. A titre d’exemple, je me souviens encore de cette femme qui passait à vélo devant notre maison familiale dont la porte donnait directement sur la rue. Cette cycliste était une marginale connue du village. Un jour, complètement ivre, elle est tombée sur la route qui venait d’être fraîchement goudronnée et s’est blessée. Elle était terriblement mal en point. Ma mère a accouru sans réserve, l’a relevée, s’est assurée de son état, l’a reçue, l’a aidé à se nettoyer et à se remettre. J’ai toujours cette image gravée en moi. J’ai grandi dans un environnement où on m’a appris à faire attention aux autres. C’était pour ma mère tout naturel. Cela l’est pour moi aussi, ainsi que pour ma sœur, aide-soignante médaillée du travail OR dans sa profession.

U. F.  : Quel serait ton message à ceux qui n’ont jamais eu l’occasion de s’investir dans l’entraide ou qui pourrait avoir peur de la détresse ? 

Marie-Ange : Plutôt qu’un message, s’ils le souhaitaient, je les emmènerai simplement avec moi ! On peut faire comprendre avec les mots mais les maraudes permettent le témoignage. Une personne sans domicile fixe est un être humain, donner un sourire, un regard, ou un simple bonjour, c’est toute l’importance du geste. Tout le monde peut le faire sans que cela implique forcément d’aller plus loin pour ceux qui ne se sentent pas prêts. C’est déjà tisser un lien et le meilleur moyen pour dissiper les mythes et les idées reçues, pour ne pas nier la réalité.

S’il arrivait qu’il n’y ait pas ou plus la capacité de dire la souffrance, il s’agit juste de savoir la présence.

U. F.  : Tu es chargée de mission au 3114 dans un secteur où l’objectif principal est la prévention du suicide. Penses-tu que ton histoire personnelle et tes activités bénévoles apportent un supplément à tes activités professionnelles déjà très axées sur l’aide ?

Marie-Ange : Je suis très attentive au soin du lien, avec tous. Une équipe, c’est important, il est primordial que les gens se sentent bien. On peut blesser l’autre sans s’en rendre compte et le défi à relever chaque jour, c’est ce souci de l’autre sans l’égo. Ce sont les valeurs de respect, le sens du devoir. Je reviens à ma mère et à son éducation singulière, bienveillante. J’enseigne le case management, je m’inscris donc loin du rôle de sachant, plus dans celui de l’accompagnement. C’est une alliance entre le professionnel et le relationnel. C’est le respect de la relation, l’importance de l’honnêteté et un merci, c’est gratuit. Si supplément il y a, c’est bien ce soin du lien, ce soin du partenariat. 

U. F.  : Tu t’impliques beaucoup sur le terrain. Quel est ton moyen pour décompresser ? Et nous avons une tradition à Ut Fortis où l’art et le patrimoine sont au service de la prévention du mal-être. Dans ce cadre, quelles ressources artistiques recommanderais-tu, qui te font du bien ? 

Marie-Ange : Pour me ressourcer, je puise l’énergie dans l’exemple de ma mère. Les rencontres avec l’autre me nourrissent. Marcher me fait également énormément de bien. Mes marches matinales constituent un doux exutoire. Je joue du piano, particulièrement les œuvres des Romantiques. J’ai besoin de cette douceur. La sensibilité de Chopin m’émeut ; je trouve magnifiques, les œuvres de Gabriel Fauré ! Romances Sans Paroles est ma pièce préférée. En littérature, j’affectionne les histoires où est raconté l’amour inconditionnel d’un humain pour un autre. Mon livre de chevet est Chopin et George Sand à Majorque de Partomeu Ferra.

U. F.  : Un dernier mot ?

Marie-Ange : Il est important de parler de sa souffrance. Il y a toujours quelqu’un qui pourrait écouter, être juste là, car même le silence parle. S’il arrivait qu’il n’y ait pas ou plus la capacité de dire la souffrance, il s’agit juste de savoir la présence. Savoir qu’un humain qui pourrait être à l’écoute, existe. 

Photo : Stéphan Larroque pour le 3114 Centre-Val de Loire.

Pourquoi sensibiliser ?

– Parce que la crise suicidaire peut être surmontée mais il faut demander de l’aide car elle peut être trop intense. Avez-vous pensé au plan de sécurité (élaboré par des soignants et mis à disposition) ? Lien


En France, le numéro national 3114 est gratuit et anonyme et les dispositifs d’aide de vos régions sont disponibles via le site de l’UNPS.

– Parce qu’avoir connu un proche qui s’est suicidé est perturbant et peut nous fragiliser, surtout si on traverse une période délicate (familialeprofessionnelle, économique, de santé). Avez-vous pensé à en parler ?
Lien pour le guide de gestion d’excès de stress en 8 langues de l’OMS / Lien ressources internationales d’écoutes.