Chaque mois, une vidéo musicale et un poème à partager
La situation n’est pas normale… Elle devrait l’être ? Serait-ce nous ?
Combien de fois ne se dit-on pas qu’on en fait peut-être une tonne pour rien… Et pourtant le malaise est profond comme une alarme, qui presse… Pour quelles solutions, pour quels compromis ?
Selon le dictionnaire, la dissonance est la réunion de sons dont la simultanéité ou la succession est désagréable, parfois cela peut être insoutenable et le seul souhait est que cela s’arrête. La dissonance cognitive, terme forgé en 1957 par Léon Festinger, fait référence à un état de tension mentale éprouvé lorsqu’il y a un conflit entre nos pensées, nos valeurs et nos actions. Cet état peut être très intense et peut durer une fraction de seconde (effet de surprise) ou des années. Dans tous les cas, il laisse bien une trace qui doit être prise en compte. Car, comment gérer des parties de soi qui semblent au premier abord irréconciliables (valeurs et actions qui leur sont opposées) ? Les histoires ne sont pas les mêmes mais les créateurs qui suivent, ont trouvé un moyen de comprendre : s’exprimer. Ils ont déjà fait une partie du chemin : mettre les mots sur le non-dit d’un malaise enfoui.
Musique : « Hurt » (blessé) de Johnny Cash (2002)
Johnny Cash (1932 – 2003) est un auteur-compositeur, acteur et chanteur américain, au croisement du rock n’roll, de la country, du blues, référent et incontournable, surnommé « L’homme en noir ». En 2002, il surprend avec la reprise du titre à succès « Hurt » (blessé), enregistré à l’origine par les célèbres Nine Inch Nails et écrit par Trent Reznor, multi-instrumentiste. Ce dernier confie à propos de la chanson :
« J’ai écrit quelques mots et de la musique, dans ma chambre pour rester sain d’esprit, à propos d’un endroit sombre et désespéré dans lequel je me trouvais, totalement isolé et seul... » (Source : Classic Rock)
Solitude, automutilation ou addiction, dépression dans des situations insoutenables qui ont bien une origine. Attention à une dissonance à laquelle on laisse prendre corps au sens propre du terme. Mais Johnny Cash, au crépuscule de sa vie, un an avant sa mort, nous donne par l’exemple, la force d’un face à face avec soi-même même s’il est difficile.
Libérer ce qui est tapi au fond de soi, remonter jusqu’au malaise d’origine, en un instant ou avec le temps pour mieux s’accepter dans cette vie.
Extraits
The needle tears a hole
The old familiar sting
Try to kill it all away
But I remember everything
L’aiguille fait un trou
La vieille piqûre familière
J’essaie de tout faire disparaître
Mais je me souviens de tout
I wear this crown of thorns
Upon my liar’s chair
Full of broken thoughts
I cannot repair
Je porte cette couronne d’épines
Sur ma chaise de menteur
Plein de pensées brisées
que je ne peux réparer
Beneath the stains of time
The feelings disappear
You are someone else
I’m still right here
Sous les taches du temps
Les sentiments disparaissent
Tu es quelqu’un d’autre
Je suis toujours là
What have I become?
Que suis-je devenu ?
Poésie : « Dit de la force de l’amour » de Paul Eluard (1895 – 1952)
Paul Eluard est un poète français, connu comme un des piliers du mouvement poétique du surréalisme (« exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée (…) une dictée de la pensée »). Eluard, auteur de « Liberté », a connu la lutte, la guerre, l’absence et la perte de l’aimée. Dans le poème « Dit de la force de l’amour », écrit en 1948, malgré le pire, nulle fatalité. La situation n’est pas « pourrie », elle fait partie d’une vie mouvante. Le ressenti ici est dans un entre deux, et Paul Eluard, même ravagé par la douleur, l’absence, la colère, choisit l’expérience et la continuation de cette vie.
Dit de la force de l’amour
Entre tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l’injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère
Il y a les maquis couleur de sang d’Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l’espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal
La lumière toujours est tout près de s’éteindre
La vie toujours s’apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n’en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s’installe
Et la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n’y résisteront pas
J’entends le feu parler en riant de tiédeur
J’entends un homme dire qu’il n’a pas souffert
Toi qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j’aime à jamais toi qui m’as inventé
Tu ne supportais pas l’oppression ni l’injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d’être libre et je te continue.
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