Le partage artistique du mois : Consternation et consolation / Laurent Voulzy et François-René de Chateaubriand

L’initiative Ut Fortis illustre l’importance du patrimoine pour la prévention du mal-être.
En France, au cours du grand incendie du Sud-Ouest en juillet 2022, 20 000 hectares de forêt ont été brulés. Avec tout ce que cela implique. La fumée a notamment été perçue à des kilomètres à la ronde hors des régions concernées en pleine canicule inédite. Consternation.

Pour le tournage du court-métrage « Fleur d’eau » de Ut Fortis, c’est bien la forêt domaniale de Loches, dans le Centre-Val de Loire, avec le partenariat de l’Office National des Forêts qui constitua le cadre du message de consolation du poème de Marceline Desbordes-Valmore du même nom.

Court-métrage « Fleur d’eau »

En France, la forêt est au cœur de la vie (sortie des classes scolaires pour l’enfance, chasses autorisées ou sorties de détente et de ressource du plus grand nombre).
Ut Fortis s’associe à la peine des gardes de forêt, des pompiers et de tous ceux qui ont combattu ces feux. MERCI. A la tristesse et à la détresse de ceux qui ont dû être évacués et qui ont tout perdu où qu’ils soient. Puisse la forêt renaître de ses cendres. Dans les œuvres qui suivent, elle traverse bien les temps.

Musique : « Jeanne » de Laurent Voulzy (2011)

C’est en 2011 que paraît « Jeanne ». La chanson à succès reste une des plus belle déclaration d’amour du répertoire de chanson française au tragique personnage historique de Jeanne d’Arc (15eme siècle). Laurent Voulzy confie dans une interview à la radio française RTL de 2016, avoir aperçu le personnage en rêve et avoir élaboré le titre en conséquence sans autre considération. Pour illustrer en vidéo le titre tout en mélancolie, l’artiste choisit un cadre bucolique et patrimonial (nature et vestige) où l’essence de « Jeanne » et de la forêt se confondent, pour symboliser son amour à distance. Impuissance devant la grande histoire… Et pourtant. Au-delà du contexte, les mots chantés par Voulzy expriment de manière absolu le désir impossible du possible.
Rendre hommage, avec la force du symbole et de la retenue, pour partager paradoxalement la blessure douloureuse de l’intime…

Et je chante ma peine
Loin de celle que j’aime
L’âme pleine de mélancolie…
J’aurais aimé vous plaire
Et je désespère
Jeanne,
Si la vie est un rêve
Que l’amour relève
Tout contre vous Jeanne, au bois dormant

Poème : « La Forêt » de François-René de Chateaubriand (1768 – 1848)

François René de Chateaubriand est un des piliers de la littérature française. Originaire de Bretagne, issu d’une famille de nobles ruinés qui sera sauvée par le commerce, le poète eut une partie de sa famille guillotinée à Paris. Entre expéditions aux Amériques, en Afrique, publications contreversées, exil, mais aussi activités politiques intenses (il fût ambassadeur, ministre des affaires étrangères et Pair de France), honneurs ou désaveux sous différents régimes, Chateaubriand traversa la Révolution, l’Empire et la Restauration, et révéla la mélancolie profonde, la sensibilité douloureuse de son siècle. Un repère pourtant marque l’œuvre littéraire du poète qui écrira les « Mémoires d’outre-tombe » : la nature.

La forêt

Forêt silencieuse, aimable solitude,
Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré !
Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,
J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude !
Prestiges de mon cœur ! je crois voir s’exhaler
Des arbres, des gazons une douce tristesse :
Cette onde que j’entends murmure avec mollesse,
Et dans le fond des bois semble encor m’appeler.

Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière
Ici, loin des humains !… Au bruit de ces ruisseaux,
Sur un tapis de fleurs, sur l’herbe printanière,
Qu’ignoré je sommeille à l’ombre des ormeaux !
Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles ;
Ces genêts, ornements d’un sauvage réduit,
Ce chèvrefeuille atteint d’un vent léger qui fuit,
Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles.
Forêts, dans vos abris gardez mes vœux offerts !
A quel amant jamais serez-vous aussi chères ?
D’autres vous rediront des amours étrangères ;
Moi de vos charmes seuls j’entretiens les déserts.


Extrait de Tableaux de la nature, 1784-1790

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