La notion de santé et nos secrets (les indices de l’étymologie latine)

Cet article fait partie de la rubrique Articles-Essais

« Car vous me permettez, Nastenka, de faire mon récit à la troisième personne parce qu’à la première j’aurais terriblement honte. » Les Nuits blanches de Dostoïevski (1).

Dans ce court passage où le héros de l’ouvrage s’épanche, est évoqué l’espace d’un instant, le fait de faire semblant d’être un « il » (la troisième personne) pour mieux se confier… Qui est ce « il » ?
Peut-être celui qu’on pense vraiment être. Et de quoi-a-t-on honte ? De son état réel ?
Tout serait-il là ? Le secret de la situation de individu. Une société où la santé envisagée communément semble une évidence ou un salut : santé physique, financière, sociale, santé mentale… « Quand la santé va, tout va », « à votre santé ! »… 
Si tant repose sur la santé au point que le langage le reflète à ce point, remonter à la racine latine permettrait-il de mieux comprendre ?

Le mot santé vient du latin sanitas et salvus.
Dans « La santé et la vie » de André Pichot (2), chercheur en histoire des sciences, les variations étymologiques du mot « santé » exposées par l’auteur sont parlantes :
« En latin, sanitas signifie « santé du corps », mais aussi « santé de l’esprit, raison, bon sens… Et, si « sain d’esprit » équivaut à « raisonnable », « la santé pourrait être au corps ce que la raison est à l’esprit ».Mais qui définit donc ce qui est « raisonnable » ?
Certains s’y sont essayés au niveau mondial.

Les partisans de l’éugénisme au milieu du 20ème siècle sont parmi leur nombre. Avec zèle, Hitler en tête, ils militaient pour une « bonne santé » et une sélection pure, dans tous les sens du terme, privilégiant les êtres « indemnes de nombreuses affections graves » (3) pour préserver au mieux l’espèce humaine selon leurs critères. S’en est suivi une euthanasie sauvage et l’exécution de milliers, à commencer par les malades et handicapés mentaux. Faire du sport, manger sain et pas-le- temps-de-déprimer-sur-le-futur pour les plus jeunes, les jeunesses hithlériennes occupaient mais pour des raisons trop obscures…

Un peu plus d’un siècle plus tard, où en est-on ?

Faire du sport, manger sain, et être libre de déprimer… Ou pas.
Pour aller mieux, certains ont choisi l’option de développer leur religiosité. Et nous rejoignons en étymologie le deuxième mot latin d’où est issu le terme « santé » : Salus ou salvus « qui signifie d’abord « entier, intact », mais aussi « sain, en bonne santé », ainsi que « salut »… Le salut. Tellement obsessionnel ou désiré qu’il est devenu une expression d’introduction commune : « Salut, tu vas bien ! »…
Pourtant la plupart des religions, qui prônent un salut, nous ramènent à la considération d’autrui. Un exemple avec celle du Christianisme : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Le texte ici nous renvoie à l’autre…
Retour au « il » pour mieux comprendre « je ».
Merci Dostoïevski, romancier de son empire. L’art de l’écriture…


Serait-ce donc que l’art est partie prenante d’une meilleure santé ?

Courbe du coeur. Cardiogramme.

Là encore l’étymologie latine donne une piste. Simplement se rappeler de « Sanitus », qui a donné « santé » en français… En anglais, le terme a dérivé en « sanity » (santé mentale, jugement sain) mais aussi, « soundness » (santé, solidité, solvabilité), « sound » (sain, solide, bien portant).
Sound, qui veut aussi dire son ! Le son étant une vibration d’onde matérielle (4)… Qui pourrait nier que cette planète terre est remplie de vibrations, à commencer par celles émises par le cœur qui bat dans la poitrine que vérifie méticuleusement le médecin ? Et pour le commun des mortels, nul besoin d’être entendant pour sentir son pouls !
Dans le roman « Les Nuits blanches », cité au début de cet article, le héros terriblement seul peut s’épancher et parler de lui à la troisième personne à Nastenka parce qu’ils s’écoutent dans leurs différences un instant… Pour tenir.

Et si la santé, c’était d’abord d’être à l’écoute ?
Ecoute de son propre corps mais aussi écoute de l’autre, du monde… Pouvoir parler sincèrement avec autrui.
 Un bon point de départ pour aller un peu mieux ?

Christina Goh

Références
1. Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski (1821 – 1881), romancier russe.
2. André Pichot, « La santé et la vie », Philosophia Scientiæ [En ligne], 12-2 | 2008, mis en ligne le 01 octobre 2011, consulté le 21 août 2019. http://journals.openedition.org/philosophiascientiae/101 ; DOI : 10.4000/philosophiascientiae.101 
3. Définition de l’eugénisme par le Conseil d’Etat –Source https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2012-4-page-65.htm
4. Définition du son par le Larousse.

Laisser un commentaire